Un banc d’église.
Nous commémorons tous les 16 mai le départ de mon père, rapatrié dans son au-delà. Je me revois assise sur ses genoux. La même odeur d’encens m’envoûte, rend sa présence mystérieuse, éternelle.
Mon regard se promène sur les plafonds aux arcades moulés et aux appliqués brodés d’or. Les jubés de la nef sont encore aussi vides. La plantureuse chaire est descendue de son piédestal.
Dans le chœur s’affairent avec autant d’empressement les curés, vicaires et servants de messe, occupés par leur œuvre de transsubstantiation.
Devant cette mise en scène à n’y rien comprendre, comme autrefois mes yeux sont attirés par le vitrail traversé de rayons du soleil.
La Vie de ce Dieu lointain semble passer par là, encore plus vivante.
Je fixe comme seul les enfants et les tournesols peuvent le faire ce tableau lumineux, la scène de la rencontre de Jésus et de Jean le Baptiste dans le Jourdain.
Près des colossaux piliers du temple, deux fillettes en robes couleur pastel sont assises contre leur père. Moment privilégié. Elles voient le monde à travers lui, un monde aussi grand et accueillant que lui, peuplé de bonnes gens plus endimanchées les unes que les autres, qui nous saluent chaleureusement sur le perron des bavardages.
Sur le chemin du retour, nos souliers de cuir patin clinquants sautillent sur le trottoir, ma soeur et moi amusées à éviter les craques, pour ne pas aller au purgatoire! Papa nous offrira sur sa patène des bonbons au dépanneur du coin. Dans notre sac sucré, on tient pour cinquante cents tout le bonheur du paradis.
Sur le banc de chêne massif , je contemple encore aujourd’hui silencieuse, le berceau de mon enfance – le vitrail de Jean le Baptiste, les plafonds aux symboles dorés bordés d’anges, un autel consacré à Marie, un autre à Joseph, puis la statue de Thérèse de l’Enfant Jésus et enfin l’orgue majestueux et trop sérieux.
C’est l’or, l’encens, ces points de mire que je garde en héritage. Autant de bonbons que mon Père nous envoie encore du Paradis.



